Selon la tendance actuelle, il faudrait tous être féministes, antiracistes, pro LGBT, anti-intimidation et j’en passe. Et moi qui me demande simplement s’il ne serait pas possible d’être juste des humains.
Mettre tout en oeuvre afin de défendre les droits des humains peu importe leurs sexes, leurs origines ethniques, leurs orientations sexuelles, leurs différences physiques point. N’en sommes-nous pas encore arrivé là socialement?
Des étiquettes et des humains
Parfois, j’ai l’impression que nous allons tous finir par avoir une médaille autour du cou sur laquelle sera inscrit dessus tous les renseignements nous concernant. Bon, j’ai certainement l’air d’un dinosaure avec cette métaphore, alors disons plutôt que ça sera un écriteau holographique qui flottera au dessus de nos têtes et qui affichera plein de données à notre sujet.
Des mots pour nous décrire de toutes les manières possibles. Quel est notre QI, quelles sont nos maladies physiques et psychologiques, nos défauts, nos qualités, nos intérêts, nos orientations sexuelles, nos allégeances politiques, nos visions philosophiques et sociales.
Si nous tenions compte maintenant de ce dernier aspect, les idées et opinions d’ordre philosophique et sociale. Je m’interroge sur toutes ces étiquettes que nous nous attribuons en croyant que cela puisse avoir un impact réel pour l’avancement de certaines causes. Comme si le fait de dire que l’on partage la vision d’un mouvement fait de nous de vrais mandataires pour la dite cause que l’on croit soutenir juste avec les pensées.
Le fait de se qualifier de ceci ou de cela sans pour autant agir proprement dit pour le mouvement auquel on dit s’identifier, n’est-ce pas un peu une forme de slacktivisme?
Le slacktiviste étant considéré comme un activiste désengagé, soit une personne qui semble adhérer à une cause mais qui ne pose pas de geste concret pour faire progresser la dite cause.
J’abordais d’ailleurs ce sujet, il y a de cela deux ans dans mon billet Les médias sociaux et l’activisme désengagé. J’expliquais entre autres que lorsqu’on clique par exemple sur le fameux «J’aime», notre geste n’a en réalité aucun impact sur l’atteinte des objectifs d’une cause.
Ne pas être féministe, un manque de respect?
Faut-il que nous soyons féministes pour démontrer que nous apprécions et considérons les efforts déployés par les différents militants du mouvement féministe par le passé? N’est-il pas possible d’avoir du respect pour ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour que le statut de la femme prenne la place qui lui revient sans pour autant se dire féministe?
Je ne parlerai même pas ici de ce sentiment que certains éprouvent de se sentir redevables envers toutes les femmes de notre passé jusqu’à Simone de Beauvoir qui ont contribué à l’amélioration de la condition féminine.
Le fait de cantonner les mouvements à leur objectif initial n’est-il pas une manière d’entretenir les stéréotypes et les préjugés? Certains mouvements ne font-ils pas en sorte qu’ils se distinguent toujours exactement par ce qu’ils tentent en vérité d’enrayer? On prône l’égalité mais toujours au sein d’un mouvement qui maintient la différence entre les sexes.
Les mouvements ne sont-ils pas permis d’évoluer et de s’adapter à leur temps?
Que dire du fait que plusieurs mentionnent que le féminisme d’aujourd’hui possède de nombreuses nuances. Mais n’est-ce pas là la preuve que le féminisme n’a plus la même raison d’être d’autrefois et qu’il s’agit en fait de nouveaux mouvements qui s’installent en empruntant ce même mot afin peut-être de tirer profit de sa notoriété.
Il est évident que ce mouvement féministe est en train de se scinder en une multitude de mouvements dont les femmes demeurent certes au coeur de la cause mais dont les objectifs diffèrent selon les cultures ou les religions.
Comment peut-on adhérer à une mouvement, ou pour ceux qui préfèrent à un ensemble d’idées politique, philosophique et sociale concernant le statut de la femme, qui ne s’accordent pas complètement à notre vision pour diverses raisons.
Il existe par exemple des mouvements féministes qui disent que la femme à le droit de porter le voile islamique pour des raisons religieuses et personnelles. À l’opposé, il y a de ces femmes féministes convaincues que le voile est un instrument de soumission et qui croient donc qu’il n’est pas approprié aux femmes de le porter.
Sur ce, doit-on évoquer les appendices chaque fois que l’on dit être féministe?
«Je suis féministe, mais je n’aime pas celles qui sont trop pour ceci, pas assez pour cela, contre ceci et pour cela.» Ça devient plutôt compliquer de se dire simplement féministe quand le féminisme lui-même est rendu complexe par ses revendications diversifiées au sein d’une même société. Il ne s’ agit plus juste que d’égalité.
Le féminisme un mouvement nécessaire
Cela étant dit, qu’on me comprenne bien, je sais qu’il demeure encore de nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes, d’où l’importance de se donner collectivement de nouveaux objectifs pour atteindre cette égalité. Est-ce au sein d’un mouvement féministe ou est-ce au sein d’un mouvement renouvelé qui a pour objectif l’égalité des humains sans distinction? Je me pose la question.
Quoiqu’il en soit, je ne crois pas du tout que le féminisme doit disparaître, bien au contraire, il a encore sa raison d’être surtout dans plusieurs pays à travers le monde où les femmes sont à mille lieux des conditions des femmes occidentales. Est-ce que le féminisme existera tant et aussi longtemps que les femmes ne seront pas reconnues comme étant parfaitement l’égal à l’homme? Peut-être.
Peut-être aussi qu’une nouvelle approche pourrait rassembler davantage de personnes autour de cette volonté d’égalité entre les genres.
Il existe des hommes qui sont en faveur de cette égalité entre les sexes mais qui n’aiment tout simplement pas comment le débat est mené par les femmes qui dans plusieurs cas, (et j’en ai été témoin) ont une attitude castratrice auprès des hommes en général.
Que dire des femmes qui dénigrent celles qui ne s’affichent pas comme eux jugent approprié de le faire. Et même si certaines diront ce n’est qu’une partie des féministes qui agissent comme tel, et bien, pour ma part, il suffit d’une pomme pourrie dans un sac pour ne pas avoir envie d’acheter la marchandise de peur que le reste des pommes puissent être atteintes de putréfaction également.
Le féminisme de l’histoire ancienne
Peut-être est-ce une utopie, mais j’aimerais que nos enfants voire nos petits-enfants puissent vivre dans un monde où ils découvriront dans les livres d’histoire que par le passé les femmes étaient considérées comme le deuxième sexe. Qu’ils puissent vivre leur vie de tous les jours sans cette différenciation des sexes et rien pour constamment devoir leur rappeler cette réalité désormais archaïque.
Ce qui me sidère ces temps-ci, c’est entre autres la facilité qu’ont certaines femmes de condamner leurs semblables simplement parce qu’elles expriment leur point de vue.
Les femmes se sont battues pour avoir le droit de parole, le droit de s’exprimer et maintenant lorsque certaines femmes le font, d’autres trouvent que celles-ci manquent de respect et de reconnaissance. Personnellement, j’ignorais que le fait d’apprécier les efforts du passé impliquait inévitablement le fait de devoir adhérer à un mouvement.
J’ignorais aussi qu’il était impossible de faire progresser le statut de la femme si on ne se dit pas féministe. Comme si seules les féministes étaient sincères dans leur engagement et que les autres qui ne se décrivent pas comme tel, sont des traîtres à la cause.
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Je n’ai pas voulu traiter des propos de Lise Thériault, la ministre de la condition féminine, dans ce billet, ni même de ceux de Marie-France Bazzo qui dit «Je ne suis pas féministe, moi non plus». Je me suis contentée de partager ma propre vision sur le fait que plusieurs femmes ne se considèrent pas féministes et qu’elles ont, selon moi, bien des raisons et surtout le droit de le croire.
Ultimement, il importe peu les jolis noms que nous nous octroyons car ce ne sont que des mots. Et ces mots sont, pour moi, comme l’index qui indique une direction sans pour autant véritablement prendre le sentier qui mène à cette destination. Ne dit-on pas que les humains ne suivront pas votre index, mais vos pieds?
J’aime autant mieux dire que je ne suis pas féministe, cependant poser des gestes au quotidien, auprès des gens qui m’entourent dans le but de rendre ce monde plus juste et égalitaire pour tous.
Je suis pour qu’une femme haïtienne et lesbienne n’ait pas l’obligation d’être féministe, antiraciste et pro LGBT, mais juste être un être humain comme tant d’autres qui mérite le respect de ses semblables peu importe ce qui la caractérise et la rend unique.
Je crois, parfois qu’en se disant porte-parole de toutes ces diverses batailles (racisme, homophobie, sexisme, âgisme, etc) on finit par n’en mener à terme aucune. Puisque nous sommes des êtres humains avant tout chose, il me semble qu’il serait plus approprié de mener une seule bataille de front, celle pour le respect et l’égalité pour tous.
Liens intéressants:
Regard sociologique sur l’évolution du féminisme – Lisane Arsenault-Boucher