Les témoignages sur cartons blancs

Je vous partage cette vidéo que j’ai réalisée et, par la suite, j’aborderai le sujet plus longuement dans ce billet. Bon visionnement!

Lisez, ainsi vous m’entendrez

Il y a quelque temps, je me suis surprise à «lire» ce genre de vidéo et je me suis demandé quel était le but précis de ces messages diffusés dans le mutisme le plus complet. J’ai voulu savoir comment s’appelait ce style de vidéo et étrangement je n’ai trouvé que très peu d’information sur le sujet. Pourtant, les premières vidéos du genre datent du début de cette décennie. Il me semble que ce moyen de communication est une pratique intéressante à analyser pour comprendre certains comportements sociaux à l’ère du numérique.

Dans la littérature anglophone, ce type de vidéo s’appelle une Notecard confession soit une confession sur fiches cartonnées. Tel que je le mentionne rapidement dans la vidéo, il s’agit en résumé d’une manière de partager un secret ou une mauvaise expérience vécue, pour différentes raisons, dont possiblement venir en aide à d’autres qui pourraient vivre une situation semblable ou simplement comme une forme d’exutoire. Avec le temps, les vidéos témoignages sur cartons blancs ont été utilisées aussi pour partager une vision de la vie ou pour mobiliser des personnes autour d’une cause humanitaire.

Pourquoi partager massivement et publiquement?

Quel est le véritable objectif derrière ces vidéos confession largement diffusées sur les divers réseaux sociaux? Qu’en retire la personne qui se confie? Pourquoi le faire aussi massivement et publiquement plutôt que de manière plus intime auprès d’amis ou de la famille?

Dans ce billet que j’ai trouvé sur le sujet, la Dr June Tangney, professeure en psychologie clinique à l’Universtié George Mason aux États-Unis, émet son point de vue à ce sujet.

Bien que les vidéos témoignages traitent de thèmes très variés, il semblerait que bon nombre de ces vidéos ont pour sujet principalement l’intimidation chez les jeunes et les conséquences dévastatrices sur ceux qui en sont les victimes. C’est en fait, une forme de réplique aux intimidateurs, une manière de dénoncer la maltraitance, voire de sonner l’alarme en cas de détresse et de se libérer d’un fardeau psychologique. La chercheuse mentionne que le fait d’écrire suite à un traumatisme peut permettre bien souvent d’avoir le sentiment de réparer ce qui peut nous sembler casser. Aussi, d’être capable de donner un véritable sens à ce qui s’est produit et avoir le contrôle sur l’événement en question.

On remarque que les plus grands diffuseurs de ces confidences sont les adolescents. Dr Tangney explique que les jeunes ne pensent pas toujours au fait que de possibles futurs employeurs ou tout autre personne importante dans leur vie puissent un jour avoir accès à ce matériel en ligne. Elle croit aussi qu’ils n’ont pas toujours conscience de la durée de vie et de la très large diffusion qu’un tel document peut atteindre sur les internets. Ces jeunes ont quelque chose à partager visiblement à des personnes qu’ils croient empathiques, dans le but de soulager leur détresse et de briser l’isolement.

Les commentaires, un réel retour d’information

Existe-t-il un impact notable auprès des internautes? Ne s’agit-il pas là d’un simple voyeurisme virtuel? Visiblement, non. Souvent les nombreux commentaires liés aux vidéos sont positifs et encourageant. Plusieurs répondants remercient la personne d’avoir partagé son histoire puisqu’ils ont vécu une épreuve similaire et se sentent donc moins seuls. Évidemment, il y a toujours certains commentaires déplaisants mais très souvent ces individus se font remettre à leur place par d’autres qui prennent la défense de la personne qui a fait son témoignage.

Enfin, dans ce cas-ci, les «LIKE» peuvent servir de baromètre virtuel d’empathie et permettre à celui qui partage son histoire de sentir l’appui et la présence de plusieurs personnes d’un peu partout dans le monde.

Cependant, je suis d’avis bien personnel que ce type de vidéo n’a plus le vent dans les voiles. Les gens s’essoufflent à lire pendant plusieurs minutes des cartons blancs surtout lorsque les témoignages sont plutôt tristes. Lorsqu’on connaît les rouages de ces vidéos chargées souvent d’une forte émotion provenant d’une blessure profonde, on finit par vouloir passer outre dans le but de se protéger soi-même d’un malaise ou disons d’une sorte d’impuissance face à la tragédie humaine.

Personnellement, je ne lis plus vraiment ces vidéos, parce que leur contenu très souvent ne me rejoint plus ou pas. Suis-je moins empathique pour autant? Je ne crois pas. Je me considère très sensible et émotivement très impliquée lorsque quelqu’un me fait des confidences. Donc, pour me protéger de ma propre vulnérabilité, je choisis la barque sur laquelle je veux naviguer et peut-être risquer de chavirer. À force d’être submergé par les drames humains, je pense qu’il est plus difficile parfois de poursuivre sa route en toute sérénité.

Réalisation d’une vidéo témoignage

Pour parler de l’aspect technique de la réalisation de ces vidéos témoignage, je dirais que la caractéristique principale est que le contenu est plus importante que le contenant. D’ailleurs, vous pouvez constater que la vidéo que j’ai moi-même réalisée a été enregistré simplement grâce à la caméra intégrée de mon ordinateur portable qui lui n’est plus très jeune. Raison entre autres pour laquelle la qualité de l’image est plutôt médiocre.

Il y a également quelques autres éléments marquants concernant ces vidéos. D’abord, les personnes se filment souvent de manière à garder leur anonymat en n’exposant pas leur visage à la caméra. Ensuite, certains ajoutent un effet pour changer l’aspect de la vidéo afin de lui donner un ton plus mélancolique soit en convertissant l’image en noir et blanc ou de couleur sépia. Finalement, le décor est simplement un environnement familier de la personne qui diffuse son message, par exemple, une chambre à coucher avec éclairage tamisé. Bref, ce sont des vidéos généralement réalisées rapidement avec les moyens du bord.

La petite histoire des cartons

Dans le billet The Note Card Confessionnal, on mentionne qu’en 1965, le cinéaste D.A. Pennebaker réalisait un documentaire sur la tournée à travers l’Angleterre du chanteur Bob Dylan. Pour débuter le film, Pennebaker et Dylan ont eu l’idée de filmer en noir et blanc dans la ruelle derrière l’hôtel Savoy de Londres où Dylan faisait défiler silencieusement de grands cartons avec des mots ou des phrases de sa chanson «Subterranean Homesick Blues» pendant que la musique jouait en trame sonore. Disons que cette introduction est digne d’une vidéo musicale plutôt originale que l’on peut considérer probablement comme un des premiers vidéoclips.

Dernièrement, j’ai eu l’occasion aussi de voir à la télévision une publicité de la Station de ski Jay Peak Vermont qui présente une vieille dame et une jeune fille qui tiennent des cartons avec des phrases écrites au marqueur pour expliquer leur situation. Manifestement, c’est une publicité qui s’est inspirée de ce phénomène.

Par ailleurs, on retrouve aussi de manière plus statique des images dans le même genre où des personnes se font prendre en photo avec un message écrit sur une feuille ou un carton. Souvent, un slogan ou un genre de défi. Par exemple, on peut voir une petite fille qui tient un carton avec le texte suivant : «Ma mère arrêtera de fumer, si je réussis à atteindre les 1000 J’aime.»

Finalement, on peut dire que les cartons pour véhiculer un message sont un concept plutôt répandu et utilisé de diverses manières à travers les années. Les vidéos témoignages sont donc un moyen comme un autre de s’exprimer en faisant une confession, une protestation ou en partageant simplement une vision de la vie. Enfin, la diffusion sur les différents réseaux sociaux permet de partager le dit message et de rejoindre le plus grand nombre de personnes possibles.

Un outil de communication qu’il faut utiliser prudemment et de manière bien avisé, car le contenu que l’on partage ce sont aussi des renseignements qui peuvent être récupérés par des personnes intéressées lors d’une recherche sur l’identité de quelqu’un.

Je dénonce…

Finalement, pour conclure ce billet, je vous laisse sur ce sketch de l’humoriste Mathieu Cyr, qui a emprunté cette technique des cartons pour faire un petit numéro d’humour. Je l’ai vu après avoir préparé le contenu de ma vidéo et je l’ai trouvé franchement bien rigolo.

Liens intéressants :

Bob Dylan – Subterranean Homesick Blues – You Tube

The Note Card Confessionnal – Voice of America

Violentée pendant sept ans | Journal de Montréal

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