Les réseaux sociaux marchands de rêve?

À la bambinerie, je croise une femme que je connais plutôt bien, ce n’est pas une amie, mais je dirais davantage une connaissance. On échange sur nos vies de mères, sur nos enfants et leurs aventures et puis on se partage des trucs et astuces qui vont nous permettre d’avancer plus harmonieusement dans nos vies familiales respectives. Parfois, on bavarde, parfois on ne fait que se dire «bonjour» tout dépend de ce que l’on fait au moment où nos yeux se rencontrent. Cette fois-ci, je cours après mon petit homme, définitivement devenu bipède, qui se promène et grimpe partout où il le peut et ne peut pas! Quant à elle, elle regarde le spectacle de marionnettes que lui présente si généreusement sa fille. Tout le monde sait qu’un enfant qui fait un pestacle n’aime pas quand sa seule spectatrice placote et qu’elle n’écoute pas ce que les marionnettes ont à dire.

Bref, elle me lance un «Salut, ça va?» que j’attrape au vol en lui relançant aussitôt un «Oui, merci et toi?» Puis, mon regard inquiet bifurque à la recherche de petit homme et c’est avec un hochement de tête et un sourire de sa part que notre conversation prend fin.

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Combien de fois, avez-vous posé cette fameuse question «Ça va?» sans prendre conscience du court laps de temps que vous étiez en mesure d’accorder à l’éventuelle réponse? Ou pire encore, combien de fois avez-vous dit ces mots avec cette profonde indifférence qui fait en sorte qu’il s’agit bien plus d’un réflexe acquis que d’une véritable question. Et vous n’avez-vous sans doute jamais répondu : «Bien.» alors que tout allait de travers dans votre vie. Peut-être parfois ne veut-on tout simplement pas répondre la vérité question de nous convaincre nous-même que tout va pour le mieux.

Que dire des fameuses remarques, «Belle coupe de cheveux!», «Wow, j’aime ton pantalon.», «T’es dont bien chanceuse d’avoir fait ce voyage!» Tous ces «j’aime» bien retentissants sont-ils vraiment de la musique à vos oreilles? Certains commentaires semblent plus sincères que d’autres, vous ne croyez pas? Et puis, dans le cas contraire, rare sont ceux qui au travail, ce font littéralement dire : «T’es dont ben mal habillé, aujourd’hui.», «Coudonc, t’es-tu lavé ce matin, ça pu le ‘iable icitte!»

Vous me voyez venir? Disons que socialement, pour la plupart d’entre-nous, on peut se couronner les rois de l’hypocrisie.

Cela dit, j’ai tellement du mal à comprendre comment on peut parler des réseaux sociaux comme étant un fléau qui contribue à notre solitude et qui nous noie dans nos ambitions inexistantes. Ça me sidère de voir que des gens puissent croire que Facebook est un marchand de rêves, qu’il n’est qu’une jolie façade virtuelle et que la sincérité n’est qu’une pure utopie dans ce monde numérique.

Dire que «En 12 ans, Facebook a réussi à faire du faux, de la mise en scène, de la demi-vérité, de la réalité manipulée un des ciments de la socialisation en ligne, troublant ainsi un rapport qui, comme l’amour, a pourtant besoin d’authenticité, de confiance, de vérité, d’une complicité nourrie et constante pour exister.» c’est donc dire qu’il y a des personnes qui vivent dans l’illusion que le monde hors ligne est dont ben si merveilleux!

Il y a déjà quatre ans, j’écrivais sur ce blogue que les réseaux sociaux sont le reflet de notre société. Je persiste à croire que plusieurs jugent trop sévèrement les comportements des utilisateurs connectés. Que ces juges portent des oeillères et qu’ils critiquent certains agissements numériques sans chercher à trouver leurs pendants dans la vie hors ligne.

Pour moi, c’est la dynamique des interactions qui n’est pas tout à fait la même. Lorsqu’on consulte les réseaux sociaux, on s’expose volontairement au contenu que les autres veulent bien partager. Personne ne nous oblige à consulter aucun de nos fils de nouvelles. Alors que dans la vie de tous les jours, c’est en allant vers les autres que l’on se fait garrocher tout ce que les gens veulent bien nous faire connaître d’eux. C’est donc dire qu’entre ces deux univers les messages sont fort semblables. C’est l’émetteur qui choisit ce qu’il veut ou ne veut pas afficher de lui et ce qu’il souhaite divulguer à autrui.

Hors ligne…

Qui n’a pas passé une soirée à regarder les photos de voyage d’un ami qui raconte son dépaysement extraordinaire (qui ne l’est pas tant que ça en réalité, mais on aime ça enjoliver, c’est encore une manière de se faire des accroire). Enfin, on a juste hâte que ça finisse parce qu’après deux ou trois photos, on se trouver incroyablement pitoyable de ne simplement pas avoir pu prendre de vacances depuis des lustres!

Qui n’a pas dit au moins une fois dans sa vie «C’est bon!» sans en dire davantage pour ne pas que cela paraisse qu’en réalité le repas était terriblement insipide. Qui n’a pas affiché un sourire, même si intérieurement le feu est pris et on est à ça — de vouloir frapper sur quelque chose pour se défouler.

Les réseaux sociaux ne sont que le support où l’on affiche une partie de notre réalité, celle qu’on choisit de montrer. Tout comme lorsqu’on sort à l’épicerie et que l’on s’habille comme si on allait à un rendez-vous galant, visiblement on ne souhaite pas se montrer décoiffé et habillé en linge mou!

Enfin, tous les gens n’exposent pas leurs décolletés et leurs fesses sur Facebook. Et certains partagent autant leurs bons coups que leurs échecs, ainsi que leurs joies et leurs peines. Je crois que le cercle de contacts que l’on possède sur les réseaux sociaux en dit long sur qui nous sommes. Dis-moi qui sont tes «amis» et je te dirai qui tu es!

Du rêve il y en partout et les médias sont les premiers à diffuser du rêve en quantité astronomique. De plus, que je sache, l’expression «L’herbe est toujours plus verte ailleurs» ne date pas d’hier. L’Homme aime se comparer ou contempler la vie des autres, parfois pour s’en inspirer et d’autrefois pour mieux s’apitoyer sur son sort. Mais ce n’est pas les réseaux sociaux qui sont le problème, c’est notre nature humain. Au lieu de regarder en profondeur pour voir l’origine de nos comportements, on s’acharne à trouver un coupable superficiel qui nous incite à agir de telle ou telle façon.

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Ce qui est le plus ironique dans tout ça, c’est que j’ai lu cet article Génération désenchantée de Fabien Deglise grâce à mon fil de nouvelles Facebook puisqu’un de mes contacts a aimé ce lien. Autrement, je n’aurais jamais lu cet article parce que je n’ai jamais acheté le journal Le Devoir et je ne lis pas vraiment les journaux en général.

Les réseaux sociaux permettent, disons le, une certaine accessibilité voire une ouverture sur un vaste monde rempli d’information, de nouvelles, d’opinions, de blagues, de beauté, de laideur, de contradictions et de source de réconfort. La bêtise humaine peut être vue, lue et entendue sur les internets, tout comme elle peut l’être dans la vie hors ligne. La même chose pour la générosité, le partage, l’entraide, les encouragements et les compliments. C’est à nous de faire l’effort d’être le plus honnête possible.

En somme, les réseaux sociaux, c’est la manière dont nous les utilisons qui représentera ce que nous sommes en tant qu’individu. Donc, au lieu de critiquer constamment le côté obscur de cette force du numérique, commençons plutôt par être intègres et sincères à tout moment dans nos vies déconnectées, cela ne pourra qu’inévitablement transparaître lorsque nous serons alors connectés.

Autres liens :

Le phénomène Facebook: monde réel ou virtuel? – Vie à deux

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