Les étés d’autrefois, tout sauf ennuyeux

Récemment on pouvait lire dans les médias sociaux un article datée du 3 juillet 2010 et intitulé «Les enfants organisés» de Stéphane Laporte, chroniqueur à La Presse,  où il explique entre autres le fait que les enfants d’aujourd’hui passent leur été avec tellement d’activités planifiées qu’ils ont l’air d’avoir l’agenda d’un président. Il n’y a plus de place à l’ennui, plus de place à la créativité et surtout plus de place au fameux farniente.

Puis, en ce mois de juillet 2014, François Cardinal également chroniqueur à La Presse, nous partage aussi son point de vue concernant ses étés d’antan «Un été sans parents ni coup sûr». Il expose ses souvenirs plus ou moins vagues mais impérissables des étés de son enfance où il était pratiquement abandonné à son sort. Il raconte en bref, les instants passés à flâner, à se construire des jumps en bois pour son BMX avec des amis et son empressement matinal pour aller rejoindre un voisin afin de passer du temps ensemble.

Que de souvenirs…

Sur Facebook j’ai lu un commentaire venant d’une femme qui mentionnait que la nostalgie des étés d’autrefois semble être un phénomène typiquement masculin. Elle émet l’hypothèse que les filles n’ont pas de souvenirs mémorables de leurs étés, étant donnée qu’elles devaient sans doute passer leur temps à apprendre à cuisine, à entretenir le potager, à faire du lavage et du repassage, bref à faire en sorte de devenir une future «maîtresse de maison».

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Enfin, pas pour les jeunes filles de ma génération et je ne crois pas non plus que ce soit le cas des filles de la génération précédent la mienne soit celle de M. Cardinal et M. Laporte.

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Que faisions-nous les filles durant nos étés? Vous en souvenez-vous? Gardez-vous de beaux souvenirs de cette saison chaude qui semblait passer toujours si vite? Moi, oui!

Je me souviens qu’avant même de commencer le primaire, je passais des journées avec une voisine à quelques maisons de la mienne. Nous jouions les pieds et les mains dans la terre à faire pousser nos doigts comme si c’était des plantes. Nous nous baignions dans une pataugeoire tellement petite qu’on ne pouvait que s’asseoir dedans mais qu’à cela ne tienne nous étions heureuses.

Quelques fois, j’attendais avec impatience que mon grand frère revienne du dépanneur qui se trouvait au bout de notre rue pour qu’il me rapporte des chips Munchos. Chips dont je raffole toujours!

Je me souviens que l’un des amis de mon frère lui disait que j’étais folle parce que lorsque je voyais un chat je l’appelais «gâteau» alors qu’en réalité je disais simple le mot «chat» en italien soit gatto. C’était pour moi, le premier choc des cultures!

Les étés de mon primaire, je jouais avec des copines du voisinage à sauter à la corde à danser et à l’élastique. Nous dessinions avec des craies sur le trottoir, nous jouions à la marelle et nous patinions avec nos fameux patins à roulettes de long en large devant la maison.

En vieillissant, je faisais le taxi à vélo, j’embarquais un passager sur mon siège banane pour faire semblant de le transporter je ne sais où alors que nous restions toujours autour de la maison. Nous jouions à la cachette en soirée, nous nous racontions des histoires assis sur un muret au clair de la lumière d’un lampadaire. Il est arrivé que certains jeunes plus téméraires faisaient des bêtises dans le voisinage, ce qui nous a donné la chienne. En plus, ces bêtises nous ont valu la visite de policiers à la recherche des malfaiteurs que nous protégions d’éventuelles réprimandes au péril de nos vies!

J’ai fait de belles randonnées à vélo avec ma grande amie. Celle-là même avec qui j’allais magasiner ou faire du lèche-vitrines durant les jours de pluie. Nous placotions à l’occasion assises sur les marches de l’entrée de ma maison ou encore au téléphone pendant des heures. Je me souviens que j’allais parfois chez-elle et que j’avais la chance de manger le délicieux gâteau aux carottes que sa mère préparait et mettait au congélateur pour le conserver plus longtemps.

Et que dire des heures que j’ai passé assise sur mon balcon avec mon baladeur à écouter en boucle ma cassette des Beach Boys tout en regardant passer de temps à autres des «beaux» garçons sur leur skateboard.

Quand il m’arrivait d’être seule, j’écrivais, je dessinais et je jouais du piano. Je m’amusais également en jouant aux jeux vidéos avec notre Commodore 64 et puis avec l’un de nos ordinateurs personnels super puissants avec une mémoire vive de 2 Mo.

Toujours en compagnie de ma grande amie, et parfois même seule, je jouais au tennis en ayant pour adversaire le mur d’une école près de chez-moi. Sinon, j’allais rejoindre des amis sur un terrain où on jouait au football sans contact ou bien à se lancer tout simplement une balle de baseball. J’allais voir les games de baseball de mon grand frère et aussi celle du petit frère de mon amie dans les divers parcs de notre ville. J’ai encore l’impression de sentir le parfum du cuir d’un mitt, parfum que j’adore, je ne sais pas trop pourquoi.

Enfin, les souvenirs sont nombreux, parfois ils sont très précis, parfois ils sont plus flous, mais tous ensemble me rappellent que mes étés désorganisés, sans horaire structuré, avec des activités spontanées étaient loin d’être des étés ennuyeux.

Nous étions libres de faire la grasse matinée, de veiller un peu plus tard, de ne rien faire ou d’organiser des activités fabuleuses avec nos amis.

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J’ai voulu offrir à mes enfants ce mode de vie. Soit terminer l’école et revenir à la maison pour jouer avec ses jouets et passer du temps à se décontracter avant de s’attaquer aux devoirs et de retourner à l’école la journée suivante. Soit finir l’année scolaire et passer un été à se reposer d’avoir travaillé fort en classe toute l’année. De se divertir en transgressant parfois certaines règles sans pour autant être grondé.

Mes enfants passent donc l’été avec moi. Nous faisons des activités ensemble et parfois mes filles s’amusent chacune de leur côté ou les deux ensemble. Ce qui est dommage, c’est qu’elles ne connaissent pas les plaisirs d’aller jouer avec une voisine ou un voisin. Il n’y en a pas. Quand elles jouent dans la cour arrière, qu’elles rient et qu’elles crient, on n’entend que leurs voix qui résonnent… tellement que même les oiseaux semblent avoir peur n’étant pas habitués d’entendre des enfants jouer dehors!

J’en suis rendue parfois à me sentir coupable de ne pas faire vivre à mes filles le même genre de vie que la plupart des enfants de notre société moderne. Que se souviendront-elles de leurs étés? Seront-elles jugées par leurs pairs parce qu’elles n’auront pas nécessairement vécu l’expériences des camps d’été, des camps de jour et du service de garde à l’année longue?

Ne faisons-nous pas de nos enfants des futurs citoyens déjà blasés, stressés et presque robotisés à un point tel qu’ils n’auront jamais eu dans leur vie l’occasion de vivre simplement. Les tenons-nous occupés comme nous le sommes pour éviter qu’ils aient à s’interroger sur leur existence? La vie est-ce vraiment une course folle? Une compétition? Un agenda bien rempli?

Je sais que l’Homme est sorti de la nature il y a bien longtemps maintenant, mais l’est-il à ce point qu’il ne prend plus le temps de prendre son temps?

Je me le demande.

 

Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Extrait du poème Sonnets pour Hélène de Ronsard.

2 Commentaires

  1. Karine Cloutier

    Je reconnais les étés de ma jeunesse dans ton billet, Nicole! Je reconnais aussi les étés de mes enfants. En effet, j’ai fait des choix qui me permettent de leur offrir ce mode de vie, moi aussi. Je ne travaille pas l’été, je suis enseignante. Pas de camp de jour. Pas de routine. Quelques escapades ici et là, question d’explorer le monde ou de respirer l’air de la campagne, mais beaucoup, beaucoup de temps pour faire ce qu’ils veulent par eux-mêmes: jouer et s’inventer chaque jour 1001 histoires, dessiner, lire, bricoler faire le «tour du bloc» à vélo ou même ne rien faire! Je ne m’en sens jamais coupable. De ma cuisine, qui donne sur la ruelle bordée d’arbres, de vignes et de fleurs, j’entends les cris et les rires des enfants (les miens et ceux des autres), qui grandissent ensemble et se construisent des souvenirs qui ressembleront sans doute à ceux que nous gardons précieusement de notre enfance.

    • Je n’avais pas vu ton message, j’étais partie un week end dans le bas du fleuve.

      Merci pour ton commentaire. Contente que certaines personnes font des choix qui ressemblent aux miens, je trouve cela important de ne pas forcément tomber dans les moules établis par nos sociétés modernes.

      Bonne fin d’été à vous tous!

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