Une histoire pour chaque immigrant
J’aime dire que j’ai été conçue en Italie et fabriquée au Québec! Je suis considérée par plusieurs comme une allophone, Canadienne-Québécoise, d’origine italienne.
Très souvent, les gens tombent des nues lorsqu’ils apprennent que mes deux parents sont Italiens. D’abord, j’ai un prénom francophone et un nom de famille qui n’a pas une sonorité typiquement italienne pour les gens d’ici. En plus, lorsque je parle français je n’ai aucun accent et mon aspect physique ne présente pas hors de tout doute mes origines méditerranéennes.
Aussi, nous ne sommes pas une famille italienne comme la plupart de celles qui ont immigrées jadis. N’ayant pas de parenté au Québec et n’ayant pas intégré le cercle des immigrants italiens, nous avons fait beaucoup de choses différemment. Pas de duplex ni de jardin, pas de vin ni de sauce tomates. Pas de messe ni de mariage traditionnel italien. Pas d’anglais pour seconde langue ni de cours d’italien les samedi matins. Bref, j’ai énuméré ici quelques éléments qui semblaient aux yeux de plusieurs quasis indissociables du titre d’immigrant italien.
Nous étions et sommes toujours une toute petite famille et aujourd’hui je constate que nous avons très peu en commun avec les italiens établis au Québec. Toutefois, plus jeune, je me sentais italienne entre autres à cause de mon nom de famille que je devais constamment épeler, de la langue que je parlais à la maison, des quelques plats classiques italiens que nous mangions à l’occasion et de cette manière plutôt colorée que nous avions de nous exprimer.
La langue, cet héritage de connaissances
Pour moi avant même d’avoir des enfants, c’était tout naturel que j’allais leur parler en italien. En fait, lorsque nous avons eu notre première fille, j’étais convaincue que c’était un besoin viscéral que de communiquer dans ma langue natale. Cependant ce n’était pas tant pour lui transmettre une part de cet héritage culturel, mais juste parce que c’était «ma langue» et qu’en plus je croyais aux divers bienfaits d’apprendre plusieurs langues en bas âge.
Ainsi, tout allait bon train avec notre premier enfant. Je parlais en italien avec notre fille et en français avec mon époux. La motivation était à son comble et le fait que j’étais maman à la maison m’a permis de rendre cet apprentissage intensif possible.
Deux ans et demi plus tard est arrivée notre deuxième petite fille. La volonté y était toujours, mais parfois les communications s’enchevêtraient. Avec les activités extérieures auprès d’autres familles, ainsi que l’entrée à l’école (les devoirs et les leçons), cela a fait en sorte que graduellement l’italien s’est estompé du cadre familial. Évidemment, avec notre petite famille élargie nous parlions toujours italien, mais cette langue prenait petit à petit la place du deuxième rang.
Ainsi, notre troisième enfant est arrivé quelques années plus tard et inévitablement il n’a pas été autant exposé à ma langue maternelle. Il m’arrive parfois que je me sente triste et coupable qu’il n’ait pas eu la chance d’entendre cette langue aussi souvent que ses sœurs. J’ai eu surtout l’impression de le priver de cet enseignement qui lui aurait permis de naviguer aisément entre les langues mais aussi de développer d’autres aptitudes cognitives liées à ce type d’apprentissage.
Mes origines dites-vous?
Une chose est sûre, je n’ai pas souhaité apprendre l’italien à mes enfants pour faire en sorte qu’ils gardent des traces de leurs origines. D’ailleurs, une autre preuve est qu’ils ne portent pas de prénom ou de deuxième prénom italien. Peut-être n’ai-je pas cet attachement particulier à mon pays d’origine, parce que souvent, je sentais que je n’étais nulle part à ma place. Pas assez Italienne pour les immigrants italiens, pas vraiment Québécoise pour les Québécois. Une Italienne qui n’en est pas parfaitement une pour les habitants de la botte. Bref, mes origines ont été malmenées de part et d’autre. J’ai donc cru que mon identité ne devait pas se baser sur ma provenance mais plutôt sur mes actions.
C’est ce que mon époux et moi voulons transmettre à nos enfants. Bien que nous puissions être exposé à des coutumes qui appartient à nos parents voire nos ancêtres, nous ne sommes pas tenus de devoir faire perdurer toutes les richesses de cet héritage culturel ad vitam æternam. J’aime croire que nous ne bâtissons pas une maison uniquement en important toutes les pièces, il faut savoir trouver les ressources et les matériaux là où nous souhaitons la construire.
Finalement, je crois que nous sommes ce que nous sommes grâce à ce que nous accomplissons peu importe d’où nous venons et là où nous allons. Certes, nous sommes forgés en grande partie par notre bagage culturel, mais nous avons toujours le choix de nous définir comme être humain selon les valeurs qui nous tiennent à cœur. Pour ma part, j’ai opté pour des valeurs qui transcendent les frontières, les nationalités, les religions, des valeurs qui vont simplement de pair avec notre humanité.
Ceci est un texte que j’ai rédigé et qui a été publié originalement sous le titre Humain sans frontières sur le site Olive+Érable.