Par les temps qui courent, plusieurs personnes semblent être en manque de temps. La phrase typique que l’on entend et qui est connue de tous aujourd’hui :
«Je n’ai pas le temps!»
Suite aux lectures de Geneviève Pettersen – Pas le temps et La mère blogue – Où est allé le temps?, j’ai décidé de prendre un moment pour réfléchir sur ce phénomène social. Pouvons-nous dire qu’il s’agit là d’un étrange symptôme de notre société moderne?
D’abord mettons les choses au clair, le temps n’a de yeux que pour lui-même, il avance et ne recule pas. Et même si on ose se faire accroire deux fois par année que nous avons le contrôle sur le temps en avançant et reculant l’heure sur tous nos cadrans, ce n’est qu’une belle illusion!
Pourquoi accusons-nous toujours le temps? Le temps en réalité n’est qu’une notion humaine pour rendre compte des transformations qui se produisent dans l’univers. Le temps ne va pas plus vite ni plus lentement qu’à l’habitude. S’il y a quelque chose qui paraît être vraiment invariable, c’est bien le temps.
Autrefois et aujourd’hui
Nos grands-parents se levaient tôt pour se mettre au labeur. Une corvée comme la lessive pouvait prendre facilement toute une journée. Aujourd’hui, nous n’avons qu’à tirer un simple bouton et le lavage se fait seul. Nous pouvons ainsi vaquer à d’autres occupations.
Moi qui suis privée de cette magnifique machine à laver la vaisselle depuis des années, je passe une partie de mon temps à frotter les assiettes à la main. Parfois je trouve que je perds un temps fou à accomplir une tâche qui est malgré tout bien nécessaire. D’autres fois, je me dis que ça me permet de réfléchir à mes problèmes et leurs solutions ainsi qu’à mes projets et leurs aboutissements. À ma vie tout simplement.
En réalité, ce que l’on constate dans notre vie moderne c’est que l’industrialisation a permis d’automatiser quelques-unes de nos tâches en plus de les accélérer. Nous avons donc remplacé certaines besognes par d’autres activités qui sont généralement plus intéressantes que de laver nos vêtements à la main par exemple.
Cela étant dit, nous avons toujours le temps, mais notre difficulté qui laisse croire que nous manquons de temps, c’est que nous faisons face à d’innombrables possibilités.
Au lieu de laver la vaisselle, nous pouvons regarder la télévision, au lieu de regarder la télévision, nous pouvons naviguer sur les Internets. Mieux encore, nous pouvons écouter la télévision et clavarder sur les réseaux sociaux en même temps plutôt que de laver la vaisselle.
Non seulement, nous avons troqué certaines tâches pour d’autres voire pour des loisirs, on a également superposé nos actions pour pouvoir faire plus de choses au même instant.
Le seul hic, c’est qu’en réalité nous ne sommes pas les brillants «multitâches» que nous pensons être! On croit que de faire plusieurs tâches en même temps, nous fait gagner du temps. Cependant, des études démontrent que les gens qui s’adonnent à vouloir faire plein de choses simultanément sont en fait moins productifs et perdent plus de temps en valsant entre les diverses fonctions qu’ils doivent exécuter comparativement à celles qui sont obligées de terminer un travail avant d’en commencer un autre.
Résultat, les personnes qui disent «ne pas avoir le temps» sont souvent celles qui en apparence semblent effectivement très occupées puisqu’elles jonglent constamment avec leurs nombreuses balles sans véritablement se concentrer sur l’une d’entre-elles en particulier.
Gérer ses priorités
«Je n’ai pas le temps» signifie davantage «Je priorise telle activité plutôt que telle autre».
Plusieurs éléments ont une influence sur la priorisation des actions que nous voulons entreprendre. Pour chaque individu les critères sont différents selon les intérêts de chacun. On a donc des priorités qui diffèrent d’une personne à l’autre et parfois certaines activités sont boudées bien plus par manque de volonté que par soi-disant manque de temps.
En effet, nous avons principalement trois ennemis jurés! Il s’agit d’attitudes qui ne favorisent pas une bonne gestion de notre temps et qui font en sorte que nous nous mettons seuls des bâtons dans les roues.
La procrastination
Lorsqu’une tâche nous déplaît ou si nous ne trouvons pas une satisfaction immédiate à accomplir une corvée, il arrive que nous devenions des procrastinateurs hors pair. «Pourquoi faire aujourd’hui, ce que je peux remettre à demain?»
Le manque de motivation
Souvent le manque de motivation est la cause première de la procrastination. Si nous ne sommes pas motiver, il est fort possible que notre bouc émissaire pour notre manque d’enthousiasme sera le temps. Le réel fait d’avoir envie de faire quelque chose, nous poussera à tout mettre en oeuvre pour arriver à concrétiser un projet.
Le pessimisme
Et oui, le fait de croire que nous n’avons pas le temps fera en sorte aussi que nous perdrons du temps à croire que le temps nous manque! Aussi étrange que cela puisse paraître, les personnes qui sont plus positives sont généralement plus organisées et parviennent plus efficacement à mener à terme les tâches qu’elles se sont fixées. Alors que celles qui formulent leurs phrases de manière négatives se trouvent à perdre graduellement leur motivation ce qui ralentit considérablement leur rendement. Le pessimisme peut être lié aussi à une forme de peur. Celle de ne pas réussir à atteindre l’objectif que nous souhaitons. Par exemple, nous voulons perdre du poids, mais nous craignons ne pas y parvenir même avec l’entraînement.
L’ennui un ennemi
Je crois qu’il est aussi vrai que certaines personnes sont réellement occupées de manière exagérées. Un chose n’attend pas l’autre mais je ne parle pas ici de corvées quotidiennes, je parle plutôt d’événements programmés pseudo-essentiels.
La peur de l’ennui voire de la solitude peut faire en sorte que les gens ont besoin de toujours avoir quelque chose à faire ou quelqu’un à rencontrer.
J’ai connu une personne qui n’avait pas d’enfant et qui disait être toujours très occupée. Elle travaillait, elle avait des rendez-vous en tout genre, ses journées étaient remplies comme un agenda présidentiel. Ensuite, elle a connu la vie de famille, elle est toujours très occupée, différemment, mais le temps semble filer toujours aussi rapidement sinon plus.
Il est essentiel parfois d’accepter de ne pas être aussi productif qu’on le souhaiterait. Le fait de ne rien faire à l’occasion ou de s’adonner à des occupations plus légères ne devrait pas être considéré comme une perte de temps. Et ceux qui ne trouvent pas un seul instant à ce genre d’activité c’est que quelque part, ils ne réalisent pas ce qu’ils font réellement. Il est humainement impossible de faire continuellement des tâches laborieuses qui nécessitent une attention assidue. Aussi, le fameux farniente seul ou en compagnie est une manière saine de passer du temps de manière agréable. Toutefois, si nous passons du temps à ne rien faire, il est évident que n’importe quelle autre activité est mise en veilleuse durant cet instant de oisiveté.
Listes à cocher
Ce qui nous donne l’impression que nous n’avons pas le temps c’est aussi le fait qu’il y a toujours bons nombre de projets en liste d’attente et que les imprévus quant à eux ne sont pas du tout inscrits dans nos listes. Disons que nous focalisons peut-être trop sur les listes de choses à faire, plutôt que de remarquer les réalisations accomplies dans une journée.
Si à la place de faire des listes de choses à venir nous faisions à la fin d’une journée une liste sommaire de ce que nous avons accompli, nous serions surpris de constater l’ouvrage colossal réalisé.
Où allons-nous?
Geneviève Pettersen écrit dans son billet «Je ne vais nulle part.» C’est notre société de performance qui nous fait croire qu’on ne va nulle part. Mais où est-il écrit qu’il faut aller quelque part? C’est là que les questions existentielles pointent le bout de leur nez et qu’elles reçoivent subitement un violent coup de poing pour qu’elles repartent là d’où elles viennent. On ne veut pas vraiment se fendre le cerveau en quatre pour chercher à comprendre le sens de notre vie. Nous préférons vivre notre course folle, ça nous occupe l’esprit!
Quoiqu’il en soit, nous avançons, c’est déjà ça. On a peut-être souvent l’impression de faire du surplace, mais en réalité nos grands pas qui vont dans tous les sens, nous font avancer à petits pas dans les sentiers de notre existence.
Personnellement, j’ai longtemps dit que je n’avais pas le temps. Cependant, maintenant j’ai compris que le temps n’a pas à être sur le banc des accusés, c’est davantage une question d’énergie. À la fin d’une journée je suis souvent épuisée, je m’accorde le droit de m’adonner à des activités qui exigent un minimum d’effort comme de pitonner sur la télécommande de la TV.
Il est certain que nos horaires sont morcelés en une multitude de petites périodes ce qui rend difficile parfois d’accomplir des tâches qui nécessitent davantage de temps. Nous souhaitons concrétiser tout plein de projets, petits et grands, et au lieu de croire qu’il s’agit simplement d’une gestion de priorités on accuse à tord le caractère insuffisant du temps.
Sur ce, puisque j’ai à la maison trois petits ventres affamés, ma prochaine priorité c’est de préparer le souper!