J’avais peut-être 8 ou 9 ans, c’était durant mon premier cycle du primaire. J’étais amie avec une fille différente de la majorité à l’époque. Je l’aimais bien. C’était une petite fille fort sympathique et elle était noire… Elle passait tous les jours par chez-moi pour que nous puissions aller à l’école ensemble. Sa plus jeune soeur parfois venait avec nous. Je garde un bon souvenir de cette fille, je me souviens même de son beau prénom, que je vais garder secret.
Je n’avais pas qu’une amie noire, mais tout un groupe de filles noires avec qui je m’entendais super bien. Étant d’origine italienne, habituée aux soirées bruyantes, aux gens qui parlent fort et aux contacts physiques, je dois dire que la compagnie de ces filles m’était des plus agréables. Elles rigolaient tout le temps et rayonnaient la bonne humeur.
Cependant, tout le monde ne partage pas le même avis à l’égard des personnes de couleur. Et c’est dans mon jeune âge que j’ai pris connaissance de cette réalité à la dure!
Près de chez-moi habitait une fille aux allures à la mode, un peu plus âgée que moi, qui avait une famille toutefois bien étrange. Je vous fais part de ma vision de fillette qui ne comprenait pas encore tout de la vie à l’époque. Ses parents semblaient toujours colériques, ils hurlaient par les fenêtres. Le père était grand et avait l’air enceinte (bédaine de bière) avec des tatous sur les bras, la mère s’habillait très légèrement presque en tout temps, si vous voyez ce que je veux dire. Enfin, j’avais même un peu peur de m’approcher de leur appartement craignant qu’ils ne sortent tous à la fois en jappant!
Enfin, cette blondinette ne m’avait jamais parlé auparavant. Je me souviens juste des seules fois qu’elle m’a adressé la parole et bien que les mots et le phrases ne sont pas claires dans ma tête, la signification globale de ses propos est tout à fait limpide. Elle n’aimait pas les noirs. Et elle n’appréciait pas que moi je puisse les aimer. Parfois, elle et sa copine me suivaient lorsque j’allais à l’école seule, en l’absence de mon amie, et elles me disaient toutes sortes d’atrocités jusqu’à me dire que si je continuais à être amie avec ces filles noires, elles allaient me battre.
Évidemment, je ne lui répondais pas, j’avais peur de ce qu’elle pouvait faire connaissant en plus sa famille étrange. Et un jour, en m’en allant à l’école avec mon amie, les deux filles nous suivaient de près. Arrivées près du terrain de l’école, les filles m’ont a nouveau menacé et m’ont finalement giflé plusieurs fois, arraché mes lunettes et tiré mes cheveux.
Je ne me souviens pas clairement comment ça s’est terminé, néanmoins, je ne suis pas restée muette, j’ai raconté tout cela à ma mère qui n’a pas pris ça à la légère. Sans entrer dans les détails, ma mère a rencontré la jeune fille et lui a mentionné que si elle continuait à se comporter de la sorte, qu’elle serait obligé d’avertir ses parents. Bref, je ne me suis jamais plus fait écoeurer par ces filles par la suite.
Voilà ce que c’est pour moi de l’intimidation.
J’ai eu mon lot de moqueries avec surnoms à n’en plus finir. «Nicole sibole, pédale Fodale!» «Les gros seins» en 6e année, évidemment j’étais l’une des seules qui commençait à avoir une poitrine! «La girafe» parce que j’étais dans les dernières en arrière lorsqu’on se plaçait en rang. «Le Serpent» à cause de ma psoriasis au visage. «Nerds» «Les barniques» «PD» et j’en passe. On me mitraillait de ce genre de remarques, mais bien qu’elles puissent faire mal sur le coup, à la longue j’en étais presque blasée. Et, j’avais tout de même remarqué qu’en m’offusquant et en m’énervant, ça jetait de l’huile sur le feu, alors que si j’ignorais, les moqueries diminuaient. Du moins dans mon cas, les gens prenaient plaisir à me voir malheureuse ou à me débattre verbalement, maladroitement, pour me défendre (il faut dire que je n’ai jamais eu le sens de la réplique cinglante).
Mais bon, ce genre de commentaires, je parvenais à me dire que c’était des gens inconscients qui disaient juste des méchancetés pour se valoriser. Je m’étais dit que j’étais aussi forte que Anne… oui, oui, Anne, la maison au pignons verts, que j’admirais pour sa ténacité contre les multiples moqueries qu’elle subissait à cause de sa chevelure rousse.
Distinguer l’intimidation des moqueries
J’ai lu divers commentaires à travers le Web ces temps-ci concernant l’intimidation. Je crois que certaines personnes confondent les mots et les comportements liés à ces termes. J’ai trouvé quelques définitions qui expliquent bien ce qu’est l’intimidation afin de distinguer des comportements que l’on qualifieraient autrement.
Il se distingue trois types de définitions du mot intimidation dans le Grand dictionnaire terminologique. L’usage que l’on en fait en droit, au travail et en psychologie. Celui qui est dans la mire actuellement c’est le mot défini en psychologie «forme de violence sociale surtout observée en milieu scolaire, caractérisée par la domination d’un individu sur un autre au moyen d’actes répétés d’agression verbale, physique ou psychologique à son endroit.»
On précise aussi en mentionnant ceci:
L’intimidation peut être le fait d’un seul individu ou d’un groupe (on parlera alors d’intimidation de groupe ou de group bullying en anglais); elle peut s’exercer de façon soit directe (coups, injures, menaces, par exemple), soit indirecte (commérages, lancement de rumeurs, exclusion, par exemple). Il n’y a intimidation que lorsqu’il existe un déséquilibre dans le rapport de force entre les individus. Ainsi, une bagarre entre deux élèves d’une force équivalente ne constitue pas une situation d’intimidation.
Sur le site Internet de Tel-Jeunes, on tente d’expliquer la différence entre l’intimidation et les moqueries.
Qu’est-ce que l’intimidation?
L’intimidation est l’usage répété de son pouvoir et de ses forces pour faire du mal ou nuire à quelqu’un. C’est donc un rapport de force inégale.
Taquiner ou intimider. S’amuser à agacer de manière amicale un ami ou une autre personne n’est pas de l’intimidation. Par contre, un comportement, même anodin, peut devenir de l’intimidation s’il est fréquent et est fait dans l’intention de blesser.
Sur Wikipédia le passage que je retiens explique bien que l’intimidation peut être faite de différentes manières, mais elles doivent avoir une certaine portée.
L’intimidation peut se manifester de plusieurs manières. Ces méthodes peuvent inclure violences physiques, regards noirs, manipulation émotionnelle, abus verbaux, bizutages et / ou autres formes d’agression pouvant avoir pour conséquence une baisse de l’égo. Ce comportement peut également inclure des commentaires ou insultes humiliants, des propositions obscènes, des blocages physiques empêchant ou bloquant les mouvements ou autres empêchant une activité quotidienne. Elle peut également faire partie d’une menace criminelle et ainsi résulter à une violence.
Personnellement, je distingue bien les taquineries de l’intimidation puisque, j’ai vécu les deux situations. J’admets, que dans un monde idéal, il ne faudrait pas non plus se moquer de ceux qui sont différents ou tout simplement des autres. Néanmoins, il faut être un peu trop utopistes pour croire qu’il soit possible que plus personne ne taquine personne, tout comme de croire que plus personne ne fasse du mal à personne.
Bref, l’intimidation c’est une chose, le fait de lancer des commentaires stupides voire méchants à l’égard de quelqu’un en est une autre. Si toutefois les insultes perdurent, qu’elles s’intensifient et qu’elles deviennent paralysantes, il faut en parler. Et cela même étant adultes, les taquineries et l’intimidation n’appartiennent pas qu’au monde des enfants.
Il faut dénoncer les personnes qui font des gestes ou disent des paroles intimidantes, peu importe l’âge, peu importe l’environnement dans lequel on les vit. Tous doivent agir afin que ce genre de comportement puissent disparaître. Mais il ne faut pas non plus se leurrer, les mauvais comportements souvent commencent à la maison, se perpétuent à l’école et dans le monde adulte. Ils existent depuis toujours.
Un monde loin d’être parfait!
On dirait que l’on oublie que les prisons sont pleines de personnes qui ont et qui veulent faire du mal. Que plusieurs politiciens ou plutôt dirigeants dans le monde ont soif de pouvoir et de domination. Que les émissions pour enfants tel que Cornemuse dépeignent des comportements indésirables. Que le fait de se moquer d’autrui fait partie malheureusement de notre culture, on retrouve des remarques pouvant être blessantes en humour, dans les fameuses caricatures, dans les films et les histoires.
On dirait qu’on oublie que parfois les parents, les enseignants, les médecins, les policiers, les gardiennes, les vendeuses, les automobilistes, les gouvernements ont des comportements déplorables et inacceptables et que ce n’est pas simple de juger et de condamner le mal qui est fait.
Nous sommes dans une société permissive, ici au Québec particulièrement. On croit à la réhabilitation, on croit que les jeunes délinquants peuvent être remis sur le droit chemin, on croit qu’il suffit de quelques séances auprès d’un psy pour être capable de vivre en société et ne plus faire de récidive.
Une société peu sévère. Une société qui tolère. Une société qui semble être incapable de sévir réellement… de peur de mal agir. Mais la société est conçue de vous et moi et de tous les autres. Si chacun n’agit pas pour que certains comportements cessent et bien la société représentera le comportement de la majorité quoiqu’il soit.
Des solutions? Sanctions et réprimandes
Finalement, je suis d’avis de dénoncer les mauvais comportements, mais je me questionne sur les techniques de réprimandes possibles. Dans une société où il est mal vu de donner la fesser et de hausser la voix, dans un monde où la parole est reine, mais en fait pas reine de grand chose, parce qu’on parle, on parle mais on obtient pas de résultats concluants. Quelle genre de sanctions pourraient véritablement corriger un comportement mesquin envers autrui?
Une retenue? Quand on sait que plusieurs étudiants s’en foutent. Une phrase à copier du genre «Je n’insulterai plus mon prochain, je serai sage comme une image.»? Quand on sait que ce genre de phrase ne traumatise que les enfants qui ont une véritable conscience. Une rencontre avec les parents? Quand on sait que maintenant plusieurs enseignants craignent les entretiens avec les parents des élèves. Une amende? Les parents auront à payer pour le mauvais comportement de leur enfant? Une expulsion permanente? À bien sûr, c’est en éloignant le problème qu’on l’évite! Rien de mieux que de mettre à l’écart ceux qui passent leur temps à exclure les autres.
Franchement, je suis sceptique, je me demande sérieusement quelle méthode sera la bonne, la plus efficace pour éliminer les problèmes d’intimidation dans le milieu scolaire.